jeudi 6 septembre 2012

Sauver le soldat Euro



Mario Draghi, le président de la Banque Centrale Européenne (BCE), a réaffirmé cet après midi qu’il n’entendait pas laisser la zone euro imploser. Il fera le nécessaire pour calmer les « craintes infondées de la part des investisseurs sur la réversibilité de l'euro ».  Les banquiers centraux pèsent  suffisamment leurs mots pour que ce message soit pris au sérieux. Très concrètement, la BCE achètera des obligations publiques jusqu’à ce que les taux d’emprunt des pays les plus fragiles baissent.
La BCE apportera donc un peu de baume au cœur aux Etats européens étranglés par la dette et qui n’arrivent plus à emprunter à un taux raisonnable sur les marchés. Si cette initiative mérite d’être saluée, on peut s’interroger sur son efficacité à long terme. Les politiques d’austérités menées en Europe du Sud, souvent brutales et excessives, continueront de plonger l’économie européenne dans la récession. Pas de quoi rassurer les investisseurs sur l'avenir!
Enfin, pour le meilleur comme pour le pire, la BCE va peut-être finalement accepter son rôle naturel : celui de prêteur en dernier ressort.

lundi 7 mai 2012

7 mai 2012, une nouvelle donne en Europe


Election française: un nouvel élan pour l’Europe

Hier, les électeurs français ont fait le choix d’une l’alternance politique qui marque un tournant pour l’économie européenne.
Comme presque tous les dirigeants européens confrontés à la crise depuis 2008, le président Sarkozy a subit une défaite électorale qui est clairement liée à son bilan économique: flambée du chômage, hausse certes contenue mais toujours importante de la dette publique, croissance anémique et plongeon de la compétitivité du pays (avec un déficit historique de la balance commerciale). Mais on aurait tort de limiter cette défaite à une simple sanction électorale. Elle traduit plutôt la volonté d’engager  le pays dans une nouvelle voie. Les Français demandent, au niveau national mais aussi au niveau européen, une politique plus ambitieuse et réaliste.
Le nouveau président a annoncé vouloir mettre en place une politique plus équilibrée qui combine sérieux budgétaire et construction de l’avenir. La maîtrise de la dette compte tout autant que la modernisation de l’économie européenne.
En effet l’austérité budgétaire appliquée trop brutalement est parfaitement contre-productive. L’Espagne et le Portugal en ont fait la triste expérience. Les  gouvernements de ces pays ont réduit leurs dépenses publiques tellement brutalement que leur marché intérieur s’est effondré. Ils ont même fait le choix, qui hypothèque leur avenir, de réduire drastiquement leur effort pour l’enseignement supérieur et la recherche :  drôle de façon de renforcer leur développement économique! Même les bons élèves que sont les Pays-Bas et l’Autriche, réputés pour leur sérieux budgétaire, tirent la sonnette d’alarme et pressent leurs partenaires européens de penser à la croissance.
L’élection de M. Hollande arrive donc au moment précis où l’Europe cherche une nouvelle stratégie pour sortir de l’impasse. La proposition de modifier le traité européen d’union budgétaire, pour y ajouter un volet « croissance », a ainsi toutes les chances de rallier de nombreux États européens.
Mais la question de fond, qui reste ouverte, sera celle de s’entendre sur les moyens de favoriser la croissance. Berlin défend une option libérale et prône des réformes structurelles, notamment pour le marché du travail, qui ont le mérite de ne pas engager de nouvelles dépenses. Paris est désormais sur une ligne « keynésienne », avec des grands chantiers publics et des investissements pour moderniser les économies européennes. La question de leur financement, notamment via des Eurobonds, devra être négociée. Sur ce dernier point, la France est loin d’être isolée, bien au contraire.

Les inquiétudes venues de Grèce

A coté de l’espoir né de cette nouvelle donne politique en France, les élections législatives grecques sont porteuses de lourdes inquiétudes. C’est un peuple usé par quatre ans de crise qui s’est rendu aux urnes hier. Un peuple qui endure des efforts à la limite du supportable sur le plan social. La Grèce a ainsi connu un séisme politique hier. Les deux grands partis de gouvernement ont été laminés et obtenu à peine un tiers des suffrages. La victoire des  partis eurosceptiques et des extrémistes de tout poil, montre qu’au fond, le peuple grec s’interroge : le maintien de la Grèce dans la zone euro en vaut-il vraiment la chandelle ?
L’élection grecque est également la traduction d’un euroscepticisme croissant. L’Europe, parce qu’elle manque d’ambition pour ses peuples, parce qu’elle ne les protège pas assez contre les vents du grand large, risque de devenir un parfait bouc émissaire de toutes les difficultés. Or les peuples européens ne peuvent se permettre d’être divisés à l’heure où émergent des géants économiques qui seront de formidables compétiteurs.

De l’ambition pour une nouvelle espérance

L’heure est donc à l’audace et au courage. Pas au renoncement, plus au « réalisme » qui masque en réalité le plus laid des esprits de renoncement.
La France, et l’Europe sa fille, doivent avoir confiance en elles et proposer un nouveau modèle de prospérité qui allie solidarité et compétitivité. Un modèle pour l’Europe mais aussi un modèle pour le monde où l’individualisme et la course à l’argent mettent en péril l’avenir des générations futures.
Alors oui, il en faudra de l’audace, pour que la politique monétaire soit enfin au service de la croissance et de l’emploi. Oui, il faudra faire preuve d’unité pour défendre les intérêts des ouvriers européens face à la concurrence de partenaires qui ne respectent aucune règle.
Oui, il faudra faire preuve de diplomatie et de persuasion pour fédérer l’Europe sur la voie du progrès social et environnemental.
Oui, il faudra être tenace pour dompter une finance qui a oublié que son rôle était de financer l’économie.
Oui, il faudra être ambitieux et créatif pour construire une politique industrielle européenne qui permette à notre Vieux Continent de compter dans les batailles technologiques de demain.
Mais quand on veut on peut ! Les batailles perdues sont toujours celles que l’on refuse de livrer.
Bonne chance Monsieur le Président !

mercredi 18 janvier 2012

A la recherche de la compétitivité perdue


Voici le premier papier que j’ai écrit en mars 2010, avant la naissance de ce blog. La question de la croissance et de la compétitivité, qui apparaissait comme totalement accessoire, pour ne pas dire incongrue, il y a un an se pose aujourd’hui avec force. La dégradation de la note de la France par Standard&Poor’s, vendredi dernier, n’est pas seulement liée au niveau élevé de notre endettement public. Elle vient surtout sanctionner une politique économique défavorable à la croissance et à l’emploi. Il est illusoire de croire que la crise de la dette se réglera uniquement à coups de cures d’austérité.
Depuis un an, les choses ont quand même un peu bougé. L’idée qu’un Etat de la Zone Euro puisse restructurer, même partiellement, sa dette a enfin été acceptée. De même, de manière encore trop timide, il commence à être admis que les marchés financiers devront non seulement assumer la perte d’une partie de leurs créances souveraines, mais qu’ils devront aussi financer la prévention des prochaines crises via une taxe sur les transactions financières. En tant que citoyen, je ne peux que regretter la lenteur de ces évolutions, les hésitations et l’inertie des dirigeants européens. Du courage, de la fermeté et la recherche permanente de justice sociale, voilà ce que je souhaite pour cette année 2012. Les peuples le méritent !


 
A la recherche de la compétitivité perdue
L’économie du Vieux Continent semble enlisée dans des problèmes structurels qui hypothèquent, au moins à court terme, sa croissance. Face à la perspective d’une stagnation économique, accompagnée d’un endettement public incontrôlé, d’un chômage élevé et d’une mondialisation qui bouscule le modèle social européen, le Politique devra proposer un avenir où tous les citoyens pourront trouver leur place.  Dans le cas contraire, le malaise social croissant pourrait saper les fondations de nos démocraties.
Les mirages des « modèles » 
Confrontés à des difficultés économiques qui semblent insurmontables, beaucoup de décideurs économiques européens, et c’est surtout vrai en France, se tournent vers le modèle allemand. Ces décideurs n’ont d’yeux que pour l’Allemagne qui affiche des performances économiques enviables. Ils sont en effet orphelins du modèle anglo-saxon depuis la crise financière de 2008 qui a révélé l’extrême exposition au risque de ces économies, dont la croissance reposait pour une large part  sur la consommation à crédit et la spéculation immobilière. Or l’Allemagne a enregistré pour l’année 2010 une croissance de 3,5%, soit le double de celle de la Zone Euro. Tous les autres clignotants de l’économie allemande sont aussi au vert : grâce à puissant réseau de PME exportatrices, le pays enregistre un fort excédent commercial, le taux de chômage diminue et l’endettement public est maitrisé.
Mais en économie comme dans la vie, il ne faut pas toujours se fier aux apparences, surtout lorsqu’il s’agit de statistiques. Après tout, comme le soulignait à juste titre, Winston Churchill, « il  existe trois types de mensonges : les petits mensonges, les gros mensonges et les statistiques ».
Ces chiffres ne doivent en effet pas masquer la dimension non durable du développement économique allemand. La compétitivité allemande s’est en partie construite sur une stagnation des salaires qui bride la consommation intérieure, les inégalités sociales ont fortement progressé, la faiblesse et l’affaiblissement de la politique familiale allemande encourage un déclin démographique qui menace le potentiel de croissance à moyen terme et le financement de système de protection sociale à long terme.
Cependant,  la réussite relative de l’Allemagne reste intéressante à bien des égards. Contrairement aux arguments avancés  par les  admirateurs improvisés de l’économie allemande,  cette compétitivité ne se résume pas seulement à un cout du travail « maitrisé ».Non,  les performances de l’Allemagne s’expliquent avant tout par une stratégie industrielle axée sur le long terme. L’effort de R&D y est important, les grandes entreprises nouent des partenariats constructifs avec  les PME (par opposition  aux grands donneurs d’ordre français qui fragilisent leurs sous-traitants),  le dialogue social y est responsable et constructif, le pouvoir de l’actionnariat est contrebalancé par une implication financière forte des collectivités locales (les Länder contrôlent les caisses d’épargne qui financent les PME) qui font de l'investissement et de l'emploi local une priorité. Ce dernier point est intéressant. Il prouve que l’implication de la puissance publique dans l’économie, loin d’être un handicap, est un formidable facteur de compétitivité. 
Quelle voie pour retrouver le chemin de la croissance ?
L'expérience allemande peut au moins avoir le mérite de nourrir la réflexion sur la politique  économique qui reste en Europe assez floue et pauvre en comparaison des stratégies de croissance d'autres régions du monde. Notre continent souffre en effet d'un manque de vision et d'ambition pour son développement économique. La seule perspective qui semble être offerte aux peuples européens est une cure d'austérité couplée à un détricotage des systèmes sociaux.
Le Pacte pour l'Euro proposé par Paris et Berlin semble hélas aller dans cette direction.
Certes, l’endettement public de beaucoup d’Etats n’est plus soutenable, mais l’austérité budgétaire, surtout si elle est prolongée, aura pour conséquence de saper les fondements futurs de la croissance européenne. On voit mal en effet comment  une politique prolongée de sous investissement public, et partant  un délaissement des infrastructures matérielles et immatérielles, pourrait bénéficier à la croissance européenne à long terme.  Enfin, puisque le développement économique doit d'abord servir les Hommes pour être durable et social, on ne peut faire l'économie d'une réflexion sur une stratégie courageuse de soutien à la croissance et de partage de ses fruits. Elle est le seul remède efficace contre l'endettement public et le chômage. Dès lors, si l'Europe n'a plus beaucoup d'argent, elle se doit d'avoir des idées. 
Le débat sur le redressement de l'économie européenne ne doit donc pas se limiter à la discipline budgétaire mais concerner aussi la convergence sociale et fiscale, la politique industrielle, l'éducation, la politique commerciale et la protection des emplois européens, la conversion à l'économie verte...
Bref, l'Europe est en quête de compétitivité et de prospérité, mais aussi et surtout de Politique. 
 

mercredi 2 novembre 2011

Fixer un cap dans la tempête


Trois jours de répit. Voilà le peu de temps que le sommet européen du 26 octobre2011 aura permis de donner à la zone euro.
Las. Le doute persiste toujours sur la capacité des dirigeants Européens  à trouver une sortie de crise crédible. Il ne sert à rien daccabler le premier ministre grec, Georges Papandréou, davoir jeté de lhuile sur le feu en demandant au peuple grec de se prononcer, par référendum, sur laccord financier du 26 octobre. En démocratie, il ny a rien dillégitime ou dirresponsable à demander au peuple souverain de valider un accord international.
Trois constats peuvent être tirés de cette réaction :
1.     La consternation  et le mépris exprimés par certains dirigeants européens à lannonce de cette initiative démocratique montrent à quel point les élites européennes sont maintenant éloignées des aspirations des peuples européens. Les citoyens constatent avec dépit que la voix des marchés financiers et des banquiers compte plus que celle des peuples.
2.     Les dirigeants européens semblent incapables doffrir une perspective autre quune régression économique et sociale. Laustérité brutale à laquelle les Européens semblent condamnés est perçue comme une injustice. Non seulement elle est inefficace économiquement mais elle est injuste. Les peuples ont limpression de devoir supporter une double peine. Après avoir subi la crise de 2008, provoquée par une prise de risque inconsidérée de certaines banques (crise des subprimes et son cortège de destructions demplois), ils doivent aujourdhui se serrer la ceinture pour rembourser  la dette contractée par les Etats. Or cet endettement a dabord servi à sauver le système bancaire et contrer les effets de la crise économique. Les efforts demandés au secteur financier (décote de la dette grecque, taxe financière) paraissent bien légers comparés à ceux auxquels doivent se résigner les classes moyennes et populaires.
Le manque découte, de pédagogie et le sentiment dinjustice constituent un cocktail dangereux qui risque de renforcer les courants populistes et extrémistes. Le projet de  construction européenne sera malheureusement la triste victime de cette frustration populaire.
3.     Le manque dunité et de solidarité entre nations européennes continue daffaiblir lEurope. 
La zone euro sest même résignée mercredi dernier à accepter laide proposée par la Chine. La promesse de soutien financier de Pékin nest évidemment pas aussi généreuse et désintéressée que certains dirigeants européens veulent le faire croire*. Les Chinois vont politiquement acheter le silence de lEurope sur les violations des droits de lHomme au Tibet et favoriser la hausse de leuro face à leur monnaie. La compétitivité européenne en sera dautant affaiblie.

Il  est donc urgent pour les dirigeants européens de se comporter en chefs dEtat. En pleine tempête, les peuples veulent des capitaines, des hommes et des femmes qui sachent fixer un cap avec crédibilité, constance et  fermeté.
La crédibilité nexiste pas lorsquon annonce vouloir se désendetter brutalement, en quelques années, alors que leffort doit être mené sur le long terme tout en renforçant la compétitivité de léconomie (innovation, éducation, soutien aux PME).
La constance, parce quun Etat qui modifie sa politique économique et fiscale au gré des caprices des agences de notation ou pour faire des effets dannonce nest pas un Etat stratège.
La fermeté enfin parce que les marchés financiers nont pas à imposer leur fébrilité aux décideurs politiques.


* « Timeo Danaos et dona ferentes » (Je crains les Grecs, même quand ils font des cadeaux) : paroles des Troyens craignant de faire entrer dans leurs murs le fameux cheval de bois que les Grecs avaient offerts à la ville. Elles expriment cette vérité qu'il faut toujours se méfier de ceux qui jouent les généreux.

vendredi 22 juillet 2011

Zone Euro, le jeu de dupes

 Les mesures prises par les dirigeants de l’Euroland vont donner un peu de répit aux pays les plus endettés. Les solutions proposées permettent de gagner du temps mais ne s’attaquent jamais aux problèmes de fond : le pouvoir exorbitant des marchés financiers, le retour à la croissance et une réduction juste des dettes publiques. Sans unité et fermeté, les Européens ont tout à perdre.

Au sortir du sommet de la Zone Euro d’hier, les 17 dirigeants européens bombaient le torse. Comme à maintes reprises depuis l’an dernier, ils pensent avoir contenu l’incendie qui menaçait la zone euro. Rappelons qu’il y a 10 jours, même l’Italie, pourtant troisième puissance économique de la zone Euro, a été menacée. Le pays rejoint le club peu prisé des « PIIGS* », ces pays de la zone euro endettés et malmenés par les marchés financiers.

Sommet de la Zone Euro : gagner du temps

Je ne détaillerai pas les mesures prises hier par les dirigeants de la zone euro qui restent, quoi qu’ils puissent en dire, des solutions précaires et de court terme. Certains diplomates parlent de « lance flamme » qui permettrait à la zone euro de résister aux assauts des marchés (le même vocable guerrier avait été employé en début d’année avec la création du Fond Européen de Solidarité Financière). Force est de constater que tous les sommets européens et de la zone euro qui se sont succédés depuis plus d’un an n’ont permis, au mieux, que de gagner quelque mois de répit. 

Ces réponses, même précaires, ont au moins le mérite de permettre aux Etats de réduire la pression des marchés financiers. Personne ne niera que l’économie de la zone euro a des problèmes structurels (dette euro devenue trop lourde pour certains Etats, incapacité depuis 10 ans à créer de la croissance, modèles de croissance des pays trop différents, absence de coordination, taux de change pénalisants avec un euro trop cher, ….). Mais l’instabilité et l’inconstance des marchés financiers ne permettent pas une sortie sereine de la crise. 

Identifier les menaces pour les combattre

Il faut bien distinguer les deux groupes d’acteurs financiers présents sur la scène de la crise. Les uns craignent la faillite des Etats, les autres parient et spéculent pour.

Le premier groupe est d’abord composé d’investisseurs institutionnels (banques, fonds de pensions…) qui gèrent l’épargne des entreprises et particuliers (assurances vies…). Ces organismes cherchent à investir ces énormes liquidités pour les faire fructifier. La dette des Etats riches est traditionnellement un produit apprécié parce que c’est un placement sûr bien que peu rémunérateur. Mais depuis la crise de 2008 et l’envolée de l’endettement public, les marchés se sont mis à douter de la capacité de ces Etats à rembourser leur dette. Ces investisseurs ont pris conscience qu’ils couraient un sérieux risque de perdre une partie de l’argent qu’ils avaient prêté. Voilà pourquoi ces investisseurs demandent à ce que les Etats mènent des plans de rigueur pour redresser leurs comptes publics. Voilà pourquoi ils ne consentent à prêter à ces Etats qu’avec des taux d’intérêt très élevés. Ces investisseurs demandent surtout à être rassurés par une stratégie de sortie de crise claire. Le manque fréquent de coordination des Européens ne les a pas rassurés.

Il ne faut pas oublier que si la crise de la dette européenne a pris une telle ampleur en 2010, c’est parce que la chancelière allemande, Angela Merckel, a laissé entendre que les Européens devaient envisager de laisser sur le bord de la route les vilains petits canards de la zone euro.
Mais à côté ce troupeau d’investisseurs traditionnels, au comportement généralement moutonnier, se trouvent de véritables prédateurs qui profitent des fragilités financières des Etats pour prospérer. Ce sont ces spéculateurs qui doivent être mis hors d’état de nuire. Il est donc temps d’encadrer le marché des dettes souveraines (et les marchés secondaires qui leur sont liés) en limitant l’accès aux seuls acteurs institutionnels qui sont suffisamment transparents. 

Les conditions d’une réponse politique efficace : unité et fermeté
A une certaine époque aussi, des responsables politiques ont eu à choisir entre une confrontation directe avec une puissance ou l’évitement. Ils choisirent de gagner du temps et acceptèrent même de sacrifier le plus petit de leurs alliés. Comme le souligna un grand leader anglais**, ils perdirent ce jour là leur honneur et finirent quand même par avoir la guerre. La gloutonnerie de l’ogre n’avait pas de limite. 

Le contexte historique n’a rien à voir heureusement, ni les enjeux. Mais la nécessité de fermeté et d’unité est la même. L’indifférence avec laquelle le peuple Grec a été abandonné à une régression sociale certaine n'est pas sans rappeler d'autres sinistres concessions.

L’euro avait pourtant été conçu comme un bouclier commun qui devait permettre aux Etats européens de repousser les attaques des spéculateurs qui à l'époque s'attaquaient à leur monnaies nationales. Le bouclier a tenu pendant près de 10 ans. Il tiendra si les Européens se dotent d’une épée que serait une stratégie courageuse de sortie de crise.

Il est temps d’être offensif et force de proposition. L’Europe doit enfin se doter d’une stratégie de croissance commune, accompagnée de mécanismes de solidarité et d’une réflexion sur sa place dans la mondialisation. 

Une implosion de la zone euro serait un coup d'arrêt à la construction européenne.


*PIGS en anglais signifie « porcs », élégant…. L’acronyme (Portugal, Ireland, Greece, Spain) gagne en tout cas une deuxième lettre I
** En 1938, l’Allemagne nazie menace d’envahir la jeune république de Tchécoslovaquie. Ses alliés, la France et le Royaume-Uni abandonnent alors la petite république aux mains d’Hitler contre de vagues promesses de paix lors de la conférence de Munich. Alors que les deux pays, à peine honteux se félicitent d’avoir échappé à une guerre, Winston Churchill, futur premier ministre britannique déclare : « Vous aviez le choix entre le déshonneur ou la guerre, vous avez choisi le déshonneur mais vous aurez quand même la guerre. » Un an après, l’Allemagne nazie attaquait la Pologne et déclenchait la deuxième guerre mondiale.

vendredi 8 juillet 2011

Dette américaine : l’avertissement du Minnesota

L’Etat du Minnesota a fait faillite lundi dernier. La faute au désaccord entre Républicains et Démocrates qui n’ont pas su trouver un compromis pour combler les déficits de l’Etat.

Faillite. Le mot fait trembler les dirigeants européens qui font tout leur possible pour que les pays de la zone Euro les plus fragiles ne soient pas en défaut de paiement. Mark Dayton, gouverneur  démocrate de l’Etat américain du Minnesota, a pourtant eu moins de scrupules. Il n’a pas hésité à déclarer le 1er juillet dernier son Etat en « faillite ». Les services publics sont fermés jusqu’à nouvel ordre et les fonctionnaires sont au chômage technique faute de pouvoir être payés. La constitution américaine interdit en effet aux Etats fédérés de présenter un budget en déséquilibre au delà d’une année. Avec un déficit de 5 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros), le Minnesota n’avait plus que deux options. La solution prônée par les républicains : sabrer dans les dépenses publiques et par conséquent fermer une grande partie des services publics. La solution des démocrates : augmenter sensiblement la fiscalité des plus riches. Or comme c’est aujourd’hui le cas au niveau fédéral, les élus des deux camps n’ont pas su trouver un accord pour voter un plan de redressement des finances de l’Etat. 

Cette faillite constitue en tout cas un sérieux avertissement pour Washington. Le Congrès des Etats Unis doit en effet relever le plafond de la dette fédérale avant le 2 août prochain, faute de quoi la première puissance économique mondiale pourrait, du moins sur le papier, connaitre le même sort que le Minnesota. Même temporaire, un défaut de paiement des Etats Unis aurait des conséquences désastreuses pour l’économie mondiale.

Le problème est que les membres du Congrès ne sont pas d’accord sur les conditions du relèvement du plafond de la dette des Etats Unis qui atteint 90% du PIB. Les républicains qui sont majoritaires à la chambre basse du Congrès veulent que l’Etat fédéral diminue significativement son train de vie et ses dépenses. Ils proposent notamment de réduire très fortement les prestations sociales et l’aide médicale réservée aux plus pauvres. Les démocrates et le président Barack Obama considèrent eux que cette option est particulièrement injuste à l’heure où des millions d’Américains sont encore au chômage et où des familles entières sont encore chassées de leur maison faute de pouvoir la rembourser. Ils préconisent donc, en plus d’une nécessaire réduction des dépenses publiques, en particulier celles consacrées à la défense, de faire porter les efforts sur les plus riches. 

Gageons en tout cas que Washington trouve un accord à temps et que le pays arrive à réinventer son modèle de croissance aujourd’hui en panne.L'économie mondiale a besoin de l'Amérique.

vendredi 1 juillet 2011

Grèce, le tonneau des Danaïdes

Fichier:Danaides Waterhouse 1903.jpg
Tonneau des Danaïdes de J. W. Waterhouse
Les sacrifices budgétaires de la Grèce ne font que repousser le problème du surendettement du pays. A quand la prochaine crise ?  
 

L’aide européenne : une réponse précaire…
  
La Grèce ne pouvait plus, depuis plusieurs semaines, emprunter sur les marchés internationaux tant les taux d’intérêts qui lui étaient demandés étaient  élevés. Pour éviter le défaut de paiement, le gouvernement grec a du se résoudre à demander une aide financière internationale. Le Parlement grec a donc confirmé jeudi 30 juin la mise en place d’un énième programme d’austérité.  Ce tour de vis budgétaire prévoit de tailler dans les dépenses publiques, de privatiser une large partie des infrastructures publiques et d’augmenter les impôts des classes moyennes. 28 milliards d’euros devraient théoriquement être économisés sur 5 ans, condition sine qua non  pour que la Grèce puisse bénéficier de la nouvelle tranche d’aide de 110 milliards d’euros du FMI et de l’Union européenne. 


La crise grecque devrait donc quitter le devant de la scène jusqu’au prochain soubresaut. Nous sommes au final dans la même situation qu’il y a un an lorsque les dirigeants européens avaient dû créer en urgence, un fond de garantie pour permettre à la Grèce de continuer à se financer sur les marchés internationaux. 


En effet, la solvabilité de la Grèce et le caractère insoutenable de la dette grecque restent toujours d’actualité. Le pays est toujours plongé dans un cercle vicieux où la baisse brutale des dépenses publiques et la hausse des impôts  sapent la croissance économique, diminuent les recettes fiscales et provoquent au final de nouvelles mesures  d’austérité.  L’assainissement des finances publiques, quand il est excessif, ne fait souvent qu’affaiblir la compétitivité d’un pays.


…et injuste

Comme les sœurs Danaïdes, figures mythologiques du monde antique, condamnées pour avoir assassiné leurs époux à remplir éternellement un tonneau sans fond,  la Grèce risque d’avoir à subir des années de vaches maigres à répétition. Qu’a donc fait la Grèce pour mériter un tel châtiment ?

Les gouvernements grecs ont menti depuis plusieurs années sur la situation financière de leur pays. Ils ont trafiqué leurs comptes publics pour cacher l’ampleur de l’endettement public de la Grèce. Mais ils l’ont fait avec l’aide et  la bénédiction de certaines grandes banques d’affaires internationales, dont Goldman Sachs. Or, comme pour la crise des subprimes, ces banques semblent être étrangères à toute notion de responsabilité.

Elles profitent en fait d’un formidable « aléa moral » : elles peuvent prendre des risques sans presque jamais devoir en supporter les conséquences. Privatisation des bénéfices, nationalisation des pertes. On peut d’ailleurs s’interroger sur le choix des gouvernements européens de toujours privilégier les établissements bancaires sans jamais leur demander, ou seulement de manière symbolique, de participer à l’effort de redressement des comptes publics. 

Ce sont d’ailleurs les couches populaires et les classes moyennes qui supportent le plus lourd fardeau : baisse des pensions de retraites, hausse des impôts, paupérisation des services publics. Les Grecs comme beaucoup d’autres peuples européens sont de fait soumis à une double peine : ils subissent une crise économique provoquée par les prises de risque irresponsables des acteurs financiers et doivent financer par l’endettement le sauvetage du secteur bancaire. 

Cette interminable cure d’austérité est-elle inévitable ? Non… (suite dans le prochain billet)