jeudi 6 septembre 2012

Sauver le soldat Euro



Mario Draghi, le président de la Banque Centrale Européenne (BCE), a réaffirmé cet après midi qu’il n’entendait pas laisser la zone euro imploser. Il fera le nécessaire pour calmer les « craintes infondées de la part des investisseurs sur la réversibilité de l'euro ».  Les banquiers centraux pèsent  suffisamment leurs mots pour que ce message soit pris au sérieux. Très concrètement, la BCE achètera des obligations publiques jusqu’à ce que les taux d’emprunt des pays les plus fragiles baissent.
La BCE apportera donc un peu de baume au cœur aux Etats européens étranglés par la dette et qui n’arrivent plus à emprunter à un taux raisonnable sur les marchés. Si cette initiative mérite d’être saluée, on peut s’interroger sur son efficacité à long terme. Les politiques d’austérités menées en Europe du Sud, souvent brutales et excessives, continueront de plonger l’économie européenne dans la récession. Pas de quoi rassurer les investisseurs sur l'avenir!
Enfin, pour le meilleur comme pour le pire, la BCE va peut-être finalement accepter son rôle naturel : celui de prêteur en dernier ressort.

lundi 7 mai 2012

7 mai 2012, une nouvelle donne en Europe


Election française: un nouvel élan pour l’Europe

Hier, les électeurs français ont fait le choix d’une l’alternance politique qui marque un tournant pour l’économie européenne.
Comme presque tous les dirigeants européens confrontés à la crise depuis 2008, le président Sarkozy a subit une défaite électorale qui est clairement liée à son bilan économique: flambée du chômage, hausse certes contenue mais toujours importante de la dette publique, croissance anémique et plongeon de la compétitivité du pays (avec un déficit historique de la balance commerciale). Mais on aurait tort de limiter cette défaite à une simple sanction électorale. Elle traduit plutôt la volonté d’engager  le pays dans une nouvelle voie. Les Français demandent, au niveau national mais aussi au niveau européen, une politique plus ambitieuse et réaliste.
Le nouveau président a annoncé vouloir mettre en place une politique plus équilibrée qui combine sérieux budgétaire et construction de l’avenir. La maîtrise de la dette compte tout autant que la modernisation de l’économie européenne.
En effet l’austérité budgétaire appliquée trop brutalement est parfaitement contre-productive. L’Espagne et le Portugal en ont fait la triste expérience. Les  gouvernements de ces pays ont réduit leurs dépenses publiques tellement brutalement que leur marché intérieur s’est effondré. Ils ont même fait le choix, qui hypothèque leur avenir, de réduire drastiquement leur effort pour l’enseignement supérieur et la recherche :  drôle de façon de renforcer leur développement économique! Même les bons élèves que sont les Pays-Bas et l’Autriche, réputés pour leur sérieux budgétaire, tirent la sonnette d’alarme et pressent leurs partenaires européens de penser à la croissance.
L’élection de M. Hollande arrive donc au moment précis où l’Europe cherche une nouvelle stratégie pour sortir de l’impasse. La proposition de modifier le traité européen d’union budgétaire, pour y ajouter un volet « croissance », a ainsi toutes les chances de rallier de nombreux États européens.
Mais la question de fond, qui reste ouverte, sera celle de s’entendre sur les moyens de favoriser la croissance. Berlin défend une option libérale et prône des réformes structurelles, notamment pour le marché du travail, qui ont le mérite de ne pas engager de nouvelles dépenses. Paris est désormais sur une ligne « keynésienne », avec des grands chantiers publics et des investissements pour moderniser les économies européennes. La question de leur financement, notamment via des Eurobonds, devra être négociée. Sur ce dernier point, la France est loin d’être isolée, bien au contraire.

Les inquiétudes venues de Grèce

A coté de l’espoir né de cette nouvelle donne politique en France, les élections législatives grecques sont porteuses de lourdes inquiétudes. C’est un peuple usé par quatre ans de crise qui s’est rendu aux urnes hier. Un peuple qui endure des efforts à la limite du supportable sur le plan social. La Grèce a ainsi connu un séisme politique hier. Les deux grands partis de gouvernement ont été laminés et obtenu à peine un tiers des suffrages. La victoire des  partis eurosceptiques et des extrémistes de tout poil, montre qu’au fond, le peuple grec s’interroge : le maintien de la Grèce dans la zone euro en vaut-il vraiment la chandelle ?
L’élection grecque est également la traduction d’un euroscepticisme croissant. L’Europe, parce qu’elle manque d’ambition pour ses peuples, parce qu’elle ne les protège pas assez contre les vents du grand large, risque de devenir un parfait bouc émissaire de toutes les difficultés. Or les peuples européens ne peuvent se permettre d’être divisés à l’heure où émergent des géants économiques qui seront de formidables compétiteurs.

De l’ambition pour une nouvelle espérance

L’heure est donc à l’audace et au courage. Pas au renoncement, plus au « réalisme » qui masque en réalité le plus laid des esprits de renoncement.
La France, et l’Europe sa fille, doivent avoir confiance en elles et proposer un nouveau modèle de prospérité qui allie solidarité et compétitivité. Un modèle pour l’Europe mais aussi un modèle pour le monde où l’individualisme et la course à l’argent mettent en péril l’avenir des générations futures.
Alors oui, il en faudra de l’audace, pour que la politique monétaire soit enfin au service de la croissance et de l’emploi. Oui, il faudra faire preuve d’unité pour défendre les intérêts des ouvriers européens face à la concurrence de partenaires qui ne respectent aucune règle.
Oui, il faudra faire preuve de diplomatie et de persuasion pour fédérer l’Europe sur la voie du progrès social et environnemental.
Oui, il faudra être tenace pour dompter une finance qui a oublié que son rôle était de financer l’économie.
Oui, il faudra être ambitieux et créatif pour construire une politique industrielle européenne qui permette à notre Vieux Continent de compter dans les batailles technologiques de demain.
Mais quand on veut on peut ! Les batailles perdues sont toujours celles que l’on refuse de livrer.
Bonne chance Monsieur le Président !

mercredi 18 janvier 2012

A la recherche de la compétitivité perdue


Voici le premier papier que j’ai écrit en mars 2010, avant la naissance de ce blog. La question de la croissance et de la compétitivité, qui apparaissait comme totalement accessoire, pour ne pas dire incongrue, il y a un an se pose aujourd’hui avec force. La dégradation de la note de la France par Standard&Poor’s, vendredi dernier, n’est pas seulement liée au niveau élevé de notre endettement public. Elle vient surtout sanctionner une politique économique défavorable à la croissance et à l’emploi. Il est illusoire de croire que la crise de la dette se réglera uniquement à coups de cures d’austérité.
Depuis un an, les choses ont quand même un peu bougé. L’idée qu’un Etat de la Zone Euro puisse restructurer, même partiellement, sa dette a enfin été acceptée. De même, de manière encore trop timide, il commence à être admis que les marchés financiers devront non seulement assumer la perte d’une partie de leurs créances souveraines, mais qu’ils devront aussi financer la prévention des prochaines crises via une taxe sur les transactions financières. En tant que citoyen, je ne peux que regretter la lenteur de ces évolutions, les hésitations et l’inertie des dirigeants européens. Du courage, de la fermeté et la recherche permanente de justice sociale, voilà ce que je souhaite pour cette année 2012. Les peuples le méritent !


 
A la recherche de la compétitivité perdue
L’économie du Vieux Continent semble enlisée dans des problèmes structurels qui hypothèquent, au moins à court terme, sa croissance. Face à la perspective d’une stagnation économique, accompagnée d’un endettement public incontrôlé, d’un chômage élevé et d’une mondialisation qui bouscule le modèle social européen, le Politique devra proposer un avenir où tous les citoyens pourront trouver leur place.  Dans le cas contraire, le malaise social croissant pourrait saper les fondations de nos démocraties.
Les mirages des « modèles » 
Confrontés à des difficultés économiques qui semblent insurmontables, beaucoup de décideurs économiques européens, et c’est surtout vrai en France, se tournent vers le modèle allemand. Ces décideurs n’ont d’yeux que pour l’Allemagne qui affiche des performances économiques enviables. Ils sont en effet orphelins du modèle anglo-saxon depuis la crise financière de 2008 qui a révélé l’extrême exposition au risque de ces économies, dont la croissance reposait pour une large part  sur la consommation à crédit et la spéculation immobilière. Or l’Allemagne a enregistré pour l’année 2010 une croissance de 3,5%, soit le double de celle de la Zone Euro. Tous les autres clignotants de l’économie allemande sont aussi au vert : grâce à puissant réseau de PME exportatrices, le pays enregistre un fort excédent commercial, le taux de chômage diminue et l’endettement public est maitrisé.
Mais en économie comme dans la vie, il ne faut pas toujours se fier aux apparences, surtout lorsqu’il s’agit de statistiques. Après tout, comme le soulignait à juste titre, Winston Churchill, « il  existe trois types de mensonges : les petits mensonges, les gros mensonges et les statistiques ».
Ces chiffres ne doivent en effet pas masquer la dimension non durable du développement économique allemand. La compétitivité allemande s’est en partie construite sur une stagnation des salaires qui bride la consommation intérieure, les inégalités sociales ont fortement progressé, la faiblesse et l’affaiblissement de la politique familiale allemande encourage un déclin démographique qui menace le potentiel de croissance à moyen terme et le financement de système de protection sociale à long terme.
Cependant,  la réussite relative de l’Allemagne reste intéressante à bien des égards. Contrairement aux arguments avancés  par les  admirateurs improvisés de l’économie allemande,  cette compétitivité ne se résume pas seulement à un cout du travail « maitrisé ».Non,  les performances de l’Allemagne s’expliquent avant tout par une stratégie industrielle axée sur le long terme. L’effort de R&D y est important, les grandes entreprises nouent des partenariats constructifs avec  les PME (par opposition  aux grands donneurs d’ordre français qui fragilisent leurs sous-traitants),  le dialogue social y est responsable et constructif, le pouvoir de l’actionnariat est contrebalancé par une implication financière forte des collectivités locales (les Länder contrôlent les caisses d’épargne qui financent les PME) qui font de l'investissement et de l'emploi local une priorité. Ce dernier point est intéressant. Il prouve que l’implication de la puissance publique dans l’économie, loin d’être un handicap, est un formidable facteur de compétitivité. 
Quelle voie pour retrouver le chemin de la croissance ?
L'expérience allemande peut au moins avoir le mérite de nourrir la réflexion sur la politique  économique qui reste en Europe assez floue et pauvre en comparaison des stratégies de croissance d'autres régions du monde. Notre continent souffre en effet d'un manque de vision et d'ambition pour son développement économique. La seule perspective qui semble être offerte aux peuples européens est une cure d'austérité couplée à un détricotage des systèmes sociaux.
Le Pacte pour l'Euro proposé par Paris et Berlin semble hélas aller dans cette direction.
Certes, l’endettement public de beaucoup d’Etats n’est plus soutenable, mais l’austérité budgétaire, surtout si elle est prolongée, aura pour conséquence de saper les fondements futurs de la croissance européenne. On voit mal en effet comment  une politique prolongée de sous investissement public, et partant  un délaissement des infrastructures matérielles et immatérielles, pourrait bénéficier à la croissance européenne à long terme.  Enfin, puisque le développement économique doit d'abord servir les Hommes pour être durable et social, on ne peut faire l'économie d'une réflexion sur une stratégie courageuse de soutien à la croissance et de partage de ses fruits. Elle est le seul remède efficace contre l'endettement public et le chômage. Dès lors, si l'Europe n'a plus beaucoup d'argent, elle se doit d'avoir des idées. 
Le débat sur le redressement de l'économie européenne ne doit donc pas se limiter à la discipline budgétaire mais concerner aussi la convergence sociale et fiscale, la politique industrielle, l'éducation, la politique commerciale et la protection des emplois européens, la conversion à l'économie verte...
Bref, l'Europe est en quête de compétitivité et de prospérité, mais aussi et surtout de Politique.