vendredi 22 juillet 2011

Zone Euro, le jeu de dupes

 Les mesures prises par les dirigeants de l’Euroland vont donner un peu de répit aux pays les plus endettés. Les solutions proposées permettent de gagner du temps mais ne s’attaquent jamais aux problèmes de fond : le pouvoir exorbitant des marchés financiers, le retour à la croissance et une réduction juste des dettes publiques. Sans unité et fermeté, les Européens ont tout à perdre.

Au sortir du sommet de la Zone Euro d’hier, les 17 dirigeants européens bombaient le torse. Comme à maintes reprises depuis l’an dernier, ils pensent avoir contenu l’incendie qui menaçait la zone euro. Rappelons qu’il y a 10 jours, même l’Italie, pourtant troisième puissance économique de la zone Euro, a été menacée. Le pays rejoint le club peu prisé des « PIIGS* », ces pays de la zone euro endettés et malmenés par les marchés financiers.

Sommet de la Zone Euro : gagner du temps

Je ne détaillerai pas les mesures prises hier par les dirigeants de la zone euro qui restent, quoi qu’ils puissent en dire, des solutions précaires et de court terme. Certains diplomates parlent de « lance flamme » qui permettrait à la zone euro de résister aux assauts des marchés (le même vocable guerrier avait été employé en début d’année avec la création du Fond Européen de Solidarité Financière). Force est de constater que tous les sommets européens et de la zone euro qui se sont succédés depuis plus d’un an n’ont permis, au mieux, que de gagner quelque mois de répit. 

Ces réponses, même précaires, ont au moins le mérite de permettre aux Etats de réduire la pression des marchés financiers. Personne ne niera que l’économie de la zone euro a des problèmes structurels (dette euro devenue trop lourde pour certains Etats, incapacité depuis 10 ans à créer de la croissance, modèles de croissance des pays trop différents, absence de coordination, taux de change pénalisants avec un euro trop cher, ….). Mais l’instabilité et l’inconstance des marchés financiers ne permettent pas une sortie sereine de la crise. 

Identifier les menaces pour les combattre

Il faut bien distinguer les deux groupes d’acteurs financiers présents sur la scène de la crise. Les uns craignent la faillite des Etats, les autres parient et spéculent pour.

Le premier groupe est d’abord composé d’investisseurs institutionnels (banques, fonds de pensions…) qui gèrent l’épargne des entreprises et particuliers (assurances vies…). Ces organismes cherchent à investir ces énormes liquidités pour les faire fructifier. La dette des Etats riches est traditionnellement un produit apprécié parce que c’est un placement sûr bien que peu rémunérateur. Mais depuis la crise de 2008 et l’envolée de l’endettement public, les marchés se sont mis à douter de la capacité de ces Etats à rembourser leur dette. Ces investisseurs ont pris conscience qu’ils couraient un sérieux risque de perdre une partie de l’argent qu’ils avaient prêté. Voilà pourquoi ces investisseurs demandent à ce que les Etats mènent des plans de rigueur pour redresser leurs comptes publics. Voilà pourquoi ils ne consentent à prêter à ces Etats qu’avec des taux d’intérêt très élevés. Ces investisseurs demandent surtout à être rassurés par une stratégie de sortie de crise claire. Le manque fréquent de coordination des Européens ne les a pas rassurés.

Il ne faut pas oublier que si la crise de la dette européenne a pris une telle ampleur en 2010, c’est parce que la chancelière allemande, Angela Merckel, a laissé entendre que les Européens devaient envisager de laisser sur le bord de la route les vilains petits canards de la zone euro.
Mais à côté ce troupeau d’investisseurs traditionnels, au comportement généralement moutonnier, se trouvent de véritables prédateurs qui profitent des fragilités financières des Etats pour prospérer. Ce sont ces spéculateurs qui doivent être mis hors d’état de nuire. Il est donc temps d’encadrer le marché des dettes souveraines (et les marchés secondaires qui leur sont liés) en limitant l’accès aux seuls acteurs institutionnels qui sont suffisamment transparents. 

Les conditions d’une réponse politique efficace : unité et fermeté
A une certaine époque aussi, des responsables politiques ont eu à choisir entre une confrontation directe avec une puissance ou l’évitement. Ils choisirent de gagner du temps et acceptèrent même de sacrifier le plus petit de leurs alliés. Comme le souligna un grand leader anglais**, ils perdirent ce jour là leur honneur et finirent quand même par avoir la guerre. La gloutonnerie de l’ogre n’avait pas de limite. 

Le contexte historique n’a rien à voir heureusement, ni les enjeux. Mais la nécessité de fermeté et d’unité est la même. L’indifférence avec laquelle le peuple Grec a été abandonné à une régression sociale certaine n'est pas sans rappeler d'autres sinistres concessions.

L’euro avait pourtant été conçu comme un bouclier commun qui devait permettre aux Etats européens de repousser les attaques des spéculateurs qui à l'époque s'attaquaient à leur monnaies nationales. Le bouclier a tenu pendant près de 10 ans. Il tiendra si les Européens se dotent d’une épée que serait une stratégie courageuse de sortie de crise.

Il est temps d’être offensif et force de proposition. L’Europe doit enfin se doter d’une stratégie de croissance commune, accompagnée de mécanismes de solidarité et d’une réflexion sur sa place dans la mondialisation. 

Une implosion de la zone euro serait un coup d'arrêt à la construction européenne.


*PIGS en anglais signifie « porcs », élégant…. L’acronyme (Portugal, Ireland, Greece, Spain) gagne en tout cas une deuxième lettre I
** En 1938, l’Allemagne nazie menace d’envahir la jeune république de Tchécoslovaquie. Ses alliés, la France et le Royaume-Uni abandonnent alors la petite république aux mains d’Hitler contre de vagues promesses de paix lors de la conférence de Munich. Alors que les deux pays, à peine honteux se félicitent d’avoir échappé à une guerre, Winston Churchill, futur premier ministre britannique déclare : « Vous aviez le choix entre le déshonneur ou la guerre, vous avez choisi le déshonneur mais vous aurez quand même la guerre. » Un an après, l’Allemagne nazie attaquait la Pologne et déclenchait la deuxième guerre mondiale.

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